STRAJNIC (Patrick Strajnic), né en Suède, d’une mère française et d’un père Serbe.
Si j’affinais, je dirais, né sur les rives du Cattégat, nourri au bord du Rhin, et affranchi face au Danube.
Je veux croire que c’est à la confluence de ces limons riches en mythes que je me suis fait artiste et boucanier.
Artiste pour qu’on remarque la moelle de mes os, et boucanier pour en orner mon drapeau d’encre noir. Et c’est Élisée Reclus qui le dit le mieux : la géographie n’est autre chose que l’histoire dans l’espace, de même que l’histoire est la géographie dans le temps.
À la ligne, retournons le sablier : au début de ma vie d’artiste j’étais photographe portraitiste.
C’est aux quatre coins de l’Europe que je suis parti photographier des nymphes, des duchesses, des notables et des aventuriers.
C’était enivrant, parce que le portrait, c’est de l’alchimie; un mélange de technique et de spéculation.
Ça a duré douze ans, toutes voiles dehors, et puis j’ai ressenti le besoin de raconter quelque chose d’autre, un truc universel.
C’est là que débutent mes récits limoneux.
Limoneux parce le limon raconte le temps sur toutes les berges du monde. Sans distinction.
Mon limon, c’est l’encre, le fusain, les pigments naturels; du substrat organique. Changement de technique.
C’est avec la série Sisyphe que je dépose cette première poignée de substrat sur mes visions photographiques.
Sisyphe est le héros mythologique de l’absurde, condamné à pousser son rocher jusqu’au sommet d’une montagne sans rédemption.
Sisyphe, je veux l’affranchir de sa malédiction: dans ma vision, il sédimente son rocher.
Le corps, la poussière, les traces d’encre et de pigment; ce n’est plus un homme seul avec la roche.
L’image devient un relief où l’homme, la matière et le temps se confondent.
C’est le limon sur lequel je boucane désormais, avec les mains pleines de matière.
Et c’est un retour, car jadis, j’ambitionnais de devenir peintre sur une des berges citées plus haut.
STRAJNIC (Patrick Strajnic), born in Sweden to a French mother and a Serbian father.
If I were to refine it, I’d say — born on the shores of the Kattegat, raised by the Rhine, and liberated before the Danube.
I like to believe it’s at the confluence of these silts, rich with myths, that I became both an artist and a buccaneer.
An artist, so the marrow of my bones could be seen; a buccaneer, so I could ink my own black flag.
Élisée Reclus said it best: geography is but history in space, just as history is geography in time.
New line — let’s turn the hourglass.
At the beginning of my artistic life, I was a portrait photographer.
Across Europe, I went to capture nymphs, duchesses, dignitaries, and adventurers.
It was intoxicating — because portraiture is alchemy, a blend of technique and speculation.
For twelve years I sailed full speed ahead, until I felt the need to tell something else, something universal.
That’s when my silty tales began.
Silty — because silt tells the story of time on every riverbank in the world. Without distinction.
My silt is ink, charcoal, natural pigments — an organic substratum. A change of technique.
With the Sisyphe series, I laid my first handful of this substratum upon photographic visions.
Sisyphe is the mythic hero of the absurd, condemned to push his stone to the mountaintop without redemption.
I want to free him from that curse. In my vision, he sediments his stone.
The body, the dust, the traces of ink and pigment — it’s no longer a man alone with the rock.
The image becomes a relief where man, matter, and time merge.
That’s the silt I now sail upon — hands full of matter — and it’s a return of sorts,
for once, on one of those riverbanks I mentioned, I dreamed of becoming a painter.